L'oeuvre de Didier Trenet - Maison du gouverneur

Le projet de Didier Trenet


Le projet, en cours d'installation, vise un aménagement des espaces jouxtant la Maison du Gouverneur, en y introduisant une oeuvre d'un artiste contemporain. Cet aménagement, objet d'une commande publique, et donc financé par des fonds d'origine diverse, propose une composition artistique des espaces. L'aménagement est une création artistique et comme toute création artistique se doit d'être porteuse de sens. L'esthétique de l'ensemble repose sur l'assemblage d'éléments endogènes, conservés, associés à des apports sculpturaux élaborés par l'artiste.

Une interprétation personnelle

« Le Jardin des pouvoirs »


Cette réflexion n’est pas celle d’une observation prolongé du site encore en cours d’aménagement, mais celle inspirée par les photos des maquettes du projet. En essayant de m’extraire de la réaction épidermique et instantané, je souhaite proposer une interprétation, étayé par l’histoire du lieu et l’étrange évolution du monde actuel où s’installe ce drôle de jardin. L’inspiration qui a porté Didier Trenet dans sa démarche créative est sans doute complexe et le résultat perturbant pour un simple observateur, Mais le ressenti émotionnel peut donner un sens original à un sujet surprenant.

Je m’y essaie, en prenant le risque de l’égarement.



Cette œuvre apparaît comme une jardin original ou se mêle quatre composants, apparemment décorrélés, avant tout approfondissement interprétatif. Pourtant essayons de pénétrer le sujet.


  1.  Le trône ou  « Le siège de l’éternité à venir » : le symbole du pouvoir déclassé .

    Ce trône est sans doute le symbole d’un pouvoir démodé et déclassé, remisé dans l’espace ouvert aux gens de passage, offert à l’indifférence de la modernité. Le trône, qui a perdu son assise, reste le témoin d’un pouvoir déchu, devenu  non fonctionnel, tout comme la forteresse qui domine le paysage et la cité.

  2. L’escalier de l’élévation vers les pouvoirs

    l'’escalier se présente sans doute comme un élément fonctionnel fondamental dans la symbolique des pouvoirs. Il propose une fonction élévatrice, répondant à l’aspiration majoritaire des êtres avides de prendre une place plus valorisante dans l’échèle des positions dominatrices. L’escalier est ici incertain dans la finalité, avec des aboutissements inachevés, perturbants, pouvant proposer une élévation inutile. Un escalier est conçu pour l’élévation, et non pour la descente : qui aspire à descendre, que ce soit vers des caves profondes, inquiétantes, ou vers l’enfer perçu comme une atroce destinée ?

    A Najac, comme à Cannes ou ailleurs, on aspire à monter les marches, valorisantes par leur effet ascensionnel vers les pouvoirs et le ressenti honorifique de l’escalade réussie.

  3. La langue ("Giganta Boccafort") porteuse de symboles multiples :  la langue des grands pouvoirs

    C’est sans doute un organe fondamental, acteur majeur du développement des civilisations humaines. Elle revêt, sur le site najacois, un caractère monumental et proéminant, symbolisant les aspects des pouvoirs majeurs, de leurs développements exagérés, ainsi que celui des cultures et de leur affrontement.
  • Le pouvoir de la langue, véhicule des langages parlés et de leur métissage

    Elle offre au langage, qui devient majoritaire, le pouvoir essentiel de la communication dominante, imposant sa suprématie tantôt pacifique et culturelle, tantôt violente, avec des aspirations hégémoniques. Ici elle désigne, peut-être, l’histoire des diverses phases de la domination linguistique régionale: l’occitan, le français, l’anglais.

  • Le pouvoir de la langue s’exprimant avec force, c’est celui d’une actrice de la communication institutionnelle des dirigeants.
    Le pouvoir institutionnel apporte, via une langue dotée du pouvoir de communication, la force impérieuse des décisions légiférées.  Elle demeure un véhicule essentiel  de l’instruction intimé.

  • Le pouvoir de la langue communicante, s’impose comme actrice de la communication sociale désordonnée et prédatrice.
    C’est ici la langue prolifique des échanges interpersonnels véhiculant des messages insignifiants, mais aussi une colonie d’affirmations douteuses et même malveillantes. C’est la langue du foisonnement incontrôlé et de la prédation messagère.

  • Le pouvoir de la langue s’immisce comme actrice de la communication médiatique débridée.
    A travers une actualité observée et commentée de manière permanente et instantanée, la langue de la diffusion informationnelle médiatisée s’impose comme le pouvoir sournois de l’expertise auto-proclamée, aux fondements douteux. Elle porte avec véhémence le pouvoir d’un savoir emprunté et incertain que valorise une technologie hors de contrôle.

  • Le pouvoir de la langue, étouffant les savoirs réfléchis au profit des pensées populistes instantanées.
    Au pouvoir de la recherche créatrice et des savoirs solidement étayés, mais difficilement assimilables, s’oppose le pouvoir usurpé de la pensée populiste. Cette pensée, que la langue du pouvoir de la parole facile, colporte aisément, tant elle est simpliste, affaiblit et pervertit la connaissance. C’est la langue du pouvoir maléfique de la pensée simpliste et complaisante.

  • Bien d’autres pouvoirs puisent leurs force dans l’expression orale contrôlée par la langue des personnages influents.

    La langue du « Jardin des Pouvoirs » de Najac est peut-être l’expression confuse de tous ces aspects  que le site veut nous inciter à méditer.


4. Le jardin végétal : domestiqué et ordonné,

Il valorise l’expression du pouvoir que l’homme s’est octroyé sur la nature. L’homme considère que la nature est sa chose. Alors ici il a décidé de la contraindre  dans un ordre décoratif. Il n’y a pas dans ce monde urbanisé de place pour le désordre naturel des végétaux sauvages. L’homme impose le pouvoir contraignant de ses visions en matière d’espèces, de placement et d’aspect.


Jacques Fraysse